Dans un entretien qu’il a accordé à Jeune Afrique, Ahmed Salem Bouhoubeyni, président de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), affirme : en Mauritanie, « Il y a moins d’esclaves ici que chez certains de nos voisins »

1/ Pourquoi existe-t-il une polémique entre ceux qui disent que l’esclavage est massif en Mauritanie et ceux qui disent qu’il a pratiquement disparu?
Notre position au niveau de la commission nationale des droits de Lhomme de Mauritanie est claire.c’est pour nous un débat qui ne mène nulle part c’est pourquoi nous avons adopté une position plus pragmatique.D’abord nous avons déclenché une caravane qui a sillonné tout le pays pour vulgariser les lois criminalisant l’esclavage, sensibiliser les populations et les autorités.Ensuite ayant constaté qu’effectivement il y a un dialogue de sourds entre, d’une part  les autorités qui considèrent que les O.N.G exagèrent les chiffres car elles exploitent la question de l’esclavage comme fond de commerce et d’autres par les O.N.G. qui considèrent les autorités complaisantes.Nous avons coupé court à ce débat en mettant sur pied un mécanisme de veille et d’alerte qui mène des investigations crédibles toutes les fois qu’un cas d’esclavage est constaté au déclaré.Ce mécanisme comprend la commission nationale des droits de L’homme, le bureau du Haut-Commissariat aux droits de Lhomme des Nations unies comme conseiller technique, certaines organisations de la société civile parmi les plus crédibles comme le Fonadh et l’AMDH, donc personne ne peut douter de sa crédibilité de son impartialité.Plus jamais les autorités ne pourraient traiter avec complaisance les cas avérés d’esclavage comme les en accusent certaines O.N.G. et plus jamais les O.N.G. ne pourraient déclarer des cas d’esclavage fictifs pour l’exploitation politique et commerciale comme les en accusent les autorités.Notre approche est pragmatique et vise à transformer le débat stérile sur la question de l’esclavage et sur son envergure à un travail de terrain pour identifier les vrais cas et les traiter.Depuis que nous avons mis sur pieds ce mécanisme d’investigation sur les cas d’esclavage il y’a un an nous avons reçu un seul cas en mars dernier qui s’est avéré travail des enfants est pas cas d’esclavage.
2/ y a-t-il plus d’esclavage en Mauritanie que dans d’autres pays voisins? combien? quel genre d’esclavage?
Vous savez selon l’ONG Walk Free et le B.I.T. il existe plus de 45 millions de personnes soumises à l’esclavage dans le monde sous des appellations diverses « esclavage moderne » « traite des êtres humains » «  exploitation » aucun pays ne peut des lors prétendre échapper à une ou plusieurs formes de ces exploitations, plus évidentes dans les régions où sévit la pauvreté l’ignorance qui rendent les personnes plus vulnérables plus exposées à l’exploitation.Ceci dit la question de l’esclavage en Mauritanie a pour autant été longtemps exagérée.Il y a forcément moins de cas d’esclavage en Mauritanie qu’au Mali Voisin pour une raison simple c’est qu’en Mauritanie l’esclavage a été élevé constitutionnellement au rang de crime contre l’humanité, imprescriptible alors qu’au Mali il n’est même pas incriminé ce qui veut dire qu’au Mali on peut non seulement réduire quelqu’un à l’esclavage mais sans tomber sous le coup d’une quelconque sanction pénale pour défaut de textes qui répriment la pratique.Au Sénégal les 150 000 enfants Talibés contraints à la mendicité et à l’exploitation n’en sont pas moins des esclaves qui circulent tous les jours dans les Carrefours au vu et su de tout le monde.Au moins pour ces raisons je ne pense pas qu’il y ait plus d’esclavage en Mauritanie que dans les pays voisins.
3/ Pourquoi les textes combattants l’esclavage sont-ils impeccables et leur application insuffisante?Il y a sans doute une amélioration constatée depuis la création des tribunaux spécialisés mais il est évident que l’application souffre parfois de certaines insuffisances.
4/ Combien de cas d’esclavage les tribunaux traitent-ils chaque année? dans quelles régions?Je sais que nous avons assisté à des cas traités par les tribunaux de l’Est du pays mais dont les auteurs ayant fuit au Mali sont jugés par défaut, des cas ont été traités également à  Nouadhibou et à Nouakchott environ 22 cas.
5/ Toutes les composantes de la société sont-elles concernées (Beydane, Haratines, negros)?Toutes les composantes étaient, par le passé, concernées au même titre par la pratique de l’esclavage et le sont tout autant concernant ses séquelles.
6/ Quelles sont les séquelles de l’esclavage?C’est essentiellement les droits économiques et sociaux (éducation, santé, emploi accès à l’eau, au crédit vous savez l’esclavage a été par le passé douloureux dans le monde mais le mode de sortie n’était pas accompagné des grandes réformes.
7/ Que préconise la CDH pour en finir avec l’esclavage? Nous envisageons d’impliquer le maximum de partenaires parmi les organisations de la société civile nationale et partenaires internationaux dans le mécanisme mis en place pour enquêter, recevoir les informations et traiter, en toute impartialité, les allégations d’esclavage.nous envisageons ensemble de mettre en œuvre les dispositions légales et réglementaires issues de l’arsenal juridique relativement complet et mettre fin à l’exploitation politique et commerciale de la question de l’esclavage.Par ailleurs la question des séquelles de l’esclavage est un problème économique et doit avoir une solution économique dans le cadre de la lutte contre la pauvreté l’ignorance et la vulnérabilité c’est dans ce cadre que nous avons signé une convention de partenariat avec la délégation chargée de la lutte contre la pauvreté et la marginalisation TAAZOUR en vue de l’orienter pour la réalisation des droits économiques et sociaux des citoyens.
8/ Pourquoi la CNDH a-t-elle été surclassée en catégorie A à Genève? quels en sont les conséquences?La commission nationale des droits de Lhomme de Mauritanie a été classée au statut A de l’alliance mondiale des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de Lhomme (GANHRI), l’information a été rendue publique le 28 décembre par le conseil des droits de Lhomme de l’ONU à Genève.Cette accréditation fait suite à la fois à une évaluation de la conformité du dispositif institutionnel et législatif de la CNDH et sa conformité avec les principes de PARIS mais aussi sa performance sur le terrain, ses relations avec le gouvernement et le Parlement, la société civile, sa coopération avec les organes de traités, les réseaux internationaux.Ses conséquences? on pourra prendre la parole lors des séances du conseil des droits de Lhomme et particulièrement lors des évaluations de la Mauritanie par les instances internationales, l’accréditation nous permettra également d’occuper des postes au sein du bureau du comité et d’être un membre actif votant alors que jusqu’ici nous n’étions que simple observateur.

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